Elle tâcha de lui saisir les mains, elle le retenait. D’un bond, elle sortit de la cuisine, et elle traversa la cour, de toute la vitesse de ses courtes jambes. — Eh bien, ça marche-t-il, êtes-vous contents ? Je veux qu’elle soit heureuse avec nous. Blessé au cœur par cette débâcle qui était pour lui une défaite, il eut un geste de colère, il desserra enfin les dents. Jusqu’au soir, elle montra une douceur vaillante, elle ne parut même pas s’apercevoir des regards inquiets qui étudiaient ses mains. Il ferma les yeux pour ne pas voir le soleil grandir, il voulut retrouver son frisson d’angoisse, en s’excitant à la crainte, en se répétant que lui aussi mourrait un jour : rien ne répondit, cela lui était devenu indifférent, les choses avaient pris une légèreté singulière. Sans lumière, elle remonta chez elle, en disant qu’elle avait oublié quelque chose. C’était un de ces accès de révolte furieuse, dont la tempête éclatait dans la douceur gaie de sa nature, et qui, tout enfant, la laissait comme morte. — À toi, petite, as-tu bien bu ta bouteille de quinquina ? — Mets-lui au coude une compresse d’arnica, dit doucement Pauline à Lazare. Ils restèrent oppressés, un instant, très rouges, tournant la tête. s’écria Chanteau ravi. monsieur le curé, reprit gaiement Pauline, venez déjeuner chez nous avec le docteur, et celle-là, vous la fumerez au dessert. Elle tomba sur une chaise, comme achevée par cette révélation. Louise ne parut pas, elle se contenta de crier d’une voix sèche, dans l’entrebâillement des vitres : Celui-ci eut un mouvement de révolte, refusant de se rendre à un appel jeté d’un pareil ton. tous y resteraient, craqueraient, comme des puces de mer sous le sabot d’un enfant. Peu à peu, il l’attirait, il jouait encore comme à l’époque de leur camaraderie d’écoliers ; et, brusquement, elle lui planta sur la joue un baiser retentissant, qu’il lui rendit au petit bonheur, dans une oreille. Dans sa jeune tête raisonneuse, elle avait fini par concevoir de Dieu l’idée d’un maître très puissant, très savant, qui dirigeait tout, de façon à ce que tout marchât sur la terre selon la justice ; et cette conception simplifiée lui suffisait pour s’entendre avec l’abbé Horteur. Ce fut Pauline qui reparut la première, laissant sa tante le nez dans une terrine. — Il est inutile de déranger Louise, n’est-ce pas ? Aussi les pauvres venaient-ils à ses mains tendues, comme les moineaux pillards vont aux fenêtres ouvertes des granges. Pourtant, en allant se coucher, il eut une dernière inquiétude. Mais les voix continuaient, elle ne put supporter davantage la pensée qu’ils se rendaient malheureux ; et elle monta, poussée par cette charité active qui faisait du bonheur des autres son existence à elle. Et il avoua qu’il n’y avait rien à faire. La mer, cependant, battait deux fois par jour Bonneville de l’éternel balancement de sa houle, et Pauline grandissait dans le spectacle de l’immense horizon. Pourtant, il voyait encore, il se traînait pour venir appuyer sa grosse tête sur le genou de son maître, puis le regardait fixement, avec l’air triste de tout comprendre. Déjà, le ménage parlait de rester jusqu’au moment des couches, que l’on n’attendait pas avant un grand mois ; mais elle devinait bien que son cousin avait assez de Paris et qu’il finirait par manger ses rentes à Bonneville, en homme aigri de ses avortements perpétuels. Avec un ami, sa conversation tombait tout de suite sur les embêtements de l’existence, sur la rude chance de ceux qui engraissaient les pissenlits, au cimetière. Puis, c’étaient des caprices et des violences de malade, un besoin de tourmenter continuellement le monde. Un autre jour, du côté de Verchemont, comme ils suivaient un sentier, à travers des champs de betteraves, ils s’arrêtèrent, surpris de voir fumer un toit de chaume. — Toi ! Heureusement que nous ne sommes pas mouillées dessous… Ôte ton manteau et ton chapeau, ma chérie. Ce fut une grande joie pour madame Chanteau. Lequel s’en irait le premier, lui ou elle ? Elle le savait, elle verrait venir l’agonie, et il serait là, impuissant. Chaque scène évoquée prenait une réalité vive : Lazare étreignait Louise défaillante, tandis que madame Chanteau veillait à la porte. On le lui rendrait, son argent ; s’il lui appartenait, ce n’était pas une raison suffisante pour ne plus se permettre un geste, avant de lui en avoir demandé la permission. Mais, le lendemain, quand elle fut descendue pour le déjeuner, et qu’elle se revit entre son oncle et son cousin, à cette table de la famille où les places des trois bols de lait étaient marquées, elle étouffa tout d’un coup, elle sentit son courage s’en aller. Il se leva péniblement du fauteuil où il chauffait ses lourdes jambes de goutteux, devant un feu de coke. ma tante, cette fois, il faut lui en laisser un, disait à chaque portée Pauline, indignée et ravie des grâces amoureuses de la chatte. — Restez donc tranquille. Ce n’était donc pas assez de toutes les petites pouilleuses, traînées jusque dans la vaisselle : elle amenait maintenant des maîtresses à monsieur Lazare ! Elle feuilletait les planches de l’Anatomie, ces planches superbes d’une réalité saignante ; elle s’arrêtait à chacun des organes, pénétrait les plus secrets, ceux dont on a fait la honte de l’homme et de la femme ; et elle n’avait pas de honte, elle était sérieuse, allant des organes qui donnent la vie aux organes qui la règlent, emportée et sauvée des idées charnelles par son amour de la santé. Depuis quelque temps, son mari ne quittait plus la chaise longue. Ensuite, il n’y eut plus que le tonnerre grondant de la tempête : la pluie entêtée battait les ardoises, le vent ébranlait les fenêtres, hurlait sous les portes ; et, pendant une heure encore, la canonnade continua, chaque vague qui s’abattait, la secouait d’un choc profond et sourd. ce n’est pas la Minouche qui viendra les manger là-dedans. Lazare restait une minute immobile, à regarder un bateau pêcheur de Port-en-Bessin, dont la voile grise rasait l’eau comme l’aile d’une mouette. Vainement, ses paupières se serraient pour ne plus voir, elle voyait quand même, des monstruosités se levaient dans l’obscurité. Enfin, tous se dirigeaient vers la maison, lorsqu’une nouvelle bourrasque les arrêta, l’haleine coupée, devant la porte. c’est mal de revenir sur cela. Peu à peu, de nouveau, la femme disparaissait, il vivait près d’elle comme en compagnie d’un garçon, d’un frère cadet, dont les qualités le touchaient chaque jour davantage. elle l’aurait étranglé, s’il n’avait pas eu au moins le cœur d’aimer les bêtes. D’un geste involontaire, elle avait joint les mains, et elle les serrait à se les briser, elle les élevait d’un balancement continu, comme font les malades dans les grandes douleurs. Quelle était donc sa stupidité, de s’être effacée ainsi ? Elle me broyait la main, j’allais être obligé de la retirer, tellement la douleur devenait insupportable… Ah ! Quand il connut la gravité de la maladie, son visage hâlé qui riait au grand air prit une expression de réel chagrin. Est-ce que le malheur allait recommencer ? Le docteur l’examina longuement, de l’air réfléchi qu’il prenait au chevet d’un malade. Je veux voir. — Gomorrhe et Sodome !… Je les avertis depuis vingt ans. Et Pauline, debout derrière elle, ne pouvait rien, devait la regarder souffrir, détournant la tête, feignant de s’occuper, lorsqu’elle la voyait ramener son peignoir d’un geste d’embarras, avec la préoccupation persistante de ses beaux cheveux blonds défaits et de son fin visage décomposé. Il s’animait, c’était sa thèse favorite. c’était ce plus jamais, ces bras tremblants refermés sur une ombre, qui ne laissait d’elle qu’un regret épouvanté. La clarté gaie de la suspension sur la nappe blanche les réchauffa. Il fallut refouler le petit bras, le rentrer tout à fait, pour que les doigts de l’opérateur pussent passer ; et ce fut la partie dangereuse de la manœuvre. Mais le pauvre être vagissait toujours. Sans doute il n’avait pas trouvé madame Bouland ; mais qu’allait-elle devenir, ignorante de ce qu’il fallait faire, avec cette pauvre femme dont la situation semblait empirer ? Tous trinquèrent. Pourtant, elle ne voulait pas monter ; d’abord, elle avait le dîner à faire ; ensuite, elle éprouvait un malaise, à l’idée d’aller se mettre ainsi entre eux, jusque dans leur chambre. Dès lors, sans autre explication, il y eut une fâcherie entre eux. Elle avait trempé son mouchoir dans l’eau, pour lui en envelopper la main droite, la plus atteinte des deux. Comme tu es mouillé, mon pauvre enfant ! Arrange cela… Elle a un cœur de roc, avec son air de tout donner aux autres. Toute la journée, un grand bourdonnement qui lui ébranlait le crâne, l’avait empêchée de formuler une pensée nette ; et c’était seulement à cette heure de nuit, lorsqu’elle pouvait souffrir sans témoins, qu’elle trouvait enfin cette conséquence inévitable. — Mais écoute ! Si les misérables étaient propres, on n’aurait pas besoin de les nettoyer. — Et puis, quoi ? Des excréments jaillirent, l’enfant tomba dans un dernier effort, sous une pluie de sang et d’eaux sales. finit par crier Chanteau indigné. Dès ce moment, elle n’eut pas un abandon, elle montra devant ce lit de mort le calme résigné qu’elle avait eu lorsque la mort la menaçait elle-même. Et, s’il lui criait d’abord de rester tranquille, s’il la menaçait de la mettre dehors, cela se terminait d’habitude par d’effrayantes parties à deux, des gambades de chèvre au milieu de la chambre bouleversée. Je n’existe plus. — Dans un cas pareil, la présence d’un médecin est absolument nécessaire… Je ne puis prendre la responsabilité de l’accouchement, surtout à huit mois. L’enfant ne parut même pas avoir entendu. demanda-t-elle en riant. Il n’avait su que le matin ce qu’il appelait l’indisposition de madame Chanteau. Mais sa cousine elle-même lui criait d’aider la jeune fille, le long des falaises, lorsqu’ils avaient un ruisseau à sauter ; et elle sautait gaillardement, en garçon, tandis que l’autre, avec un léger cri d’alouette blessée, s’abandonnait entre les bras du jeune homme. Ne pouvait-il accepter immédiatement, le jour où elle avait toute sa force, sans l’amollir d’une espérance vaine ? — Ma chère, des gens riches, ces Houtelard, les seuls pêcheurs riches de Bonneville. Ce papier avait dormi près de leur linge : elle fermait les yeux, voyait les lignes flamboyer, continuer les phrases, la mettre dans l’intimité étroite de leur lune de miel. Un simple mal de tête le faisait se plaindre rageusement de sa carcasse. Assise au milieu du lit, les couvertures rejetées, la jeune fille appelait sa tante d’un cri continu, blanche de terreur ; et elle écartait sa nudité ensanglantée, elle regardait ce qui était sorti d’elle, frappée d’une surprise dont la secousse avait emporté toute sa bravoure habituelle. Quand les maçons eurent donné un premier coup de pioche, le reste menaça de crouler. Sans doute il allait dire la cause de son retard, lorsque la fenêtre du premier étage, restée entrouverte, fut refermée rageusement. — Embrasse-la, Lazare, puisqu’elle n’ose pas, dit doucement Pauline. Bien sûr, ça vaut mieux que de lire. Il y avait trois pas à faire. L’espoir de vaincre la mer l’enfiévrait. Ils n’étaient pas deux cents habitants, ils vivaient de la mer, fort mal, collés à leur rocher avec un entêtement stupide de mollusques. Ayant levé les yeux, Chanteau reconnut le curé, l’abbé Horteur, un homme trapu, à encolure de paysan, dont les cinquante ans n’avaient pas encore pâli les cheveux roux. Lazare avait pris sa cousine contre lui, en la tenant à la taille, pour la protéger des rafales, dont les souffles passaient comme des coups de faux. Une crise folle de colère contre Véronique, qui ne l’aimait pas, disait-elle, l’avait mise au lit pour deux jours. C’est sacré. Si leurs mains se rencontraient, ils demeuraient tous les deux balbutiants, l’haleine courte, les joues brûlées d’une flamme. Mais, en ce moment, elle était solennelle, elle ouvrit le tiroir, où l’on aperçut la vieille couverture de registre ; c’était la même, marbrée de vert, piquetée de taches de graisse ; seulement, elle avait maigri, les titres diminués n’en crevaient plus le dos de basane. Chaque secousse l’ébranlait, elle croyait entendre, à intervalles réguliers, le hurlement des misérables mangés par la mer. — Ma foi, je n’y songe jamais… Nous sommes tous dans la main de Dieu. Depuis qu’on annonçait son arrivée, elle l’avait attendue avec une curiosité inquiète, et maintenant elle comptait les jours, dans le désir impatient de son départ. Et la mer l’intéressait, cet infini bleu où passaient des voiles blanches, cette route sans borne, ouverte devant lui qui n’était plus capable de mettre un pied devant l’autre. Louise seule s’étonna, lorsqu’elle connut la décision de sa cousine. Déjà la jeune fille l’avait saisie doucement et la retournait. — J’ai demandé une école, dit Chanteau désolé de voir sa partie compromise. Lorsqu’elle se décida à ouvrir la porte du corridor, pour gagner l’escalier, un souffle lamentable entra. Le vent d’ouest soufflait depuis trois semaines, des tempêtes avaient ravagé les côtes, éventré des falaises, englouti des barques, tué du monde ; et ce grand ciel bleu, cette mer de satin, ces journées tièdes et claires qui luisaient maintenant, prenaient une douceur infinie. C’était une nouvelle aventure qui passionnait Lazare. Alors, la distribution commença. Alors, il se décida, mais il craignait de l’embarrasser, il détournait la tête, pendant qu’elle achevait de rattacher ses cheveux. — Veux-tu donc que je parte et que je ne reparaisse plus ?… Non, il y a assez de l’usine. Une seule lumière brûlait au fond de Bonneville, sans doute la lanterne d’un pêcheur allant en mer. N’aie pas peur, tu retrouveras le tout, il n’y manquera pas un centime. Il n’y avait de nouveau, dans ces choses d’autrefois, que Loulou, triste et affreux, couché en boule sous une table, grognant dès qu’on l’approchait. Mais Pauline ne daignait même plus refuser, dans son obstination farouche. Lazare se leva pour ouvrir la porte du corridor. Une contraction violente l’avait courbée, et elle se pendait aux épaules de Pauline, dans un tel frisson, que toutes les deux en tremblaient. On se fâchait, on les traitait de sacrés entêtés. En cette circonstance, ils se montrèrent d’une probité parfaite. Tu le sais aussi bien que moi… C’est ma bêtise qui m’enrage ! Mais, en haut, la Mythologie traînait au bout de la table, c’était sur les ouvrages de médecine laissés dans l’armoire, qu’elle passait des journées entières, les yeux élargis par le besoin d’apprendre, le front serré entre ses deux mains que l’application glaçait. Elle avait ouvert les yeux, elle le regardait de son air de résignation courageuse. Et il n’était plus beau : sa robe blanche et frisée avait jauni ; son nez, autrefois si noir, blanchissait ; une saleté et une sorte de honte le rendaient lamentable, car on n’osait le laver à cause de son grand âge. Louisette, j’ai fait monter ta malle… Nous sommes donc voisines une fois encore ! Cette confession lui semblait nécessaire, elle n’avait pas voulu agir dans un coup de tête, et le vieux médecin était le seul homme qui pût l’entendre. C’était en elle une pudeur maladive de femme coquette, un malaise de se montrer dans l’abandon affreux de la souffrance, qui, même devant son mari et sa cousine, lui faisait serrer le peignoir autour de ses pauvres reins tordus. Pauline écoutait, plus pâle, en proie à une lutte intérieure. Les voix de Louise et de Lazare lui arrivaient à travers le plafond, de plus en plus hautes, et elle se désespérait, en pensant qu’on devait les entendre de la terrasse. C’était à ce misérable résultat qu’elle aboutissait, à de nouvelles douleurs, des luttes prochaines, dont le pressentiment augmentait son angoisse. Toute cette soirée était un crime qui lui faisait horreur. La journée se passa dans ce trouble, elle s’empressait, mécontente d’elle, rebutée par les méfiances de la malade. demandait Pauline, dont le maniement de cette grosse somme colorait les joues. Tu ne m’en prives pas, j’en ai de tous les âges. Lazare, averti, n’avait pas voulu descendre. Veux-tu que je te le dise ? Elle eut un geste de tolérance désespérée. Pauline, de ses deux bras charitables, l’étreignit de nouveau, l’empêcha de continuer, en lui serrant la tête contre sa poitrine. Un tremblement ne la quittait plus, elle était, de la taille aux genoux, secouée ainsi de larges ondes douloureuses, que l’on voyait, une à une, descendre sous sa peau, dans le raidissement de plus en plus violent de la chair. — Il faut bien que je vous dise tout, reprit-il. Le lit de sangle ne fut pas jugé assez solide. Sa chambre était son refuge, il remontait s’y abandonner, plus tranquille dans ce coin où il avait grandi, n’ayant pas la peur d’y livrer aux autres le secret de son mal. Mais elle eut peur, elle se sentit bégayante et rougissante devant cette enfant, ce qui augmenta sa haine. Chanteau finissait par rire de ces espiègleries de grande fille caressante. Et c’était surtout la douleur qui le jetait hors de lui, dans une révolte nerveuse, une protestation affolée contre l’existence. — Non, je ne veux pas, je sais ce que c’est… Par pitié, ne me parlez plus, ne me torturez pas ! Embrasse-la… Ma chère, tu as eu raison de venir, si tu penses que tu seras mieux à Bonneville. Je ne puis croire non plus que le moment soit arrivé. demanda Lazare, qui avait fini par s’asseoir en face de Pauline. La méthode du froid portait sur cette découverte que certains corps se cristallisent à de basses températures différentes pour les divers corps ; et il ne s’agissait plus que d’obtenir et de maintenir les températures voulues : chaque corps se déposait successivement, se trouvait séparé des autres. non, monsieur, j’avais mal à la tête. Un soir, Pauline rentra de la cour, en criant : — Le boulanger !… On lui doit trois jours, deux francs quatre-vingt-cinq. La gueuse les reprenait, c’était une stupeur résignée, la ruine attendue et subie, dans ce voisinage si étroit de la grande mer qui les nourrissait et les tuait. En bas, ils venaient de retrouver Chanteau, oublié de tous, dormant profondément dans son fauteuil. En s’éveillant, elle avait eu la joie de sentir en elle, nettes et solides, ses résolutions de la veille. Puis toutes les dispositions furent prises, on remit des linges fins devant la cheminée, on apporta une seconde cuvette, on monta une bouilloire d’eau chaude, un litre d’eau-de-vie, du saindoux sur une assiette. La tendresse que le docteur Cazenove éprouvait pour Pauline se traduisait chez lui par un redoublement de brusquerie fanfaronne. Puis, elle eut de nouveau conscience d’une rapide contraction. Ses mains tremblaient. Alors, elle bégaya, d’un air de résignation obsédée : — Oui, ça m’est égal. — Taisez-vous, voici l’abbé, interrompit Chanteau, que cette conversation ennuyait. Une peau de poulet. Elle ne s’inquiétait point, il y avait là simplement un jeu de leur jeunesse ; puis, ses forces s’en allaient, elle lui appartenait déjà, dans son trouble grandissant. Mais Lazare ne leur pardonnait pas leurs rires imbéciles. Ni l’un ni l’autre ne fit une allusion à ce qui s’était passé entre eux, même quand ils se retrouvèrent ensemble, loin des yeux et des oreilles. Peut-être se serait-il désespéré d’abord, mais elle aurait bien su lui souffler son courage ensuite, le défendre contre les cauchemars imbéciles. Pauline s’était évanouie. Tu devrais être ma femme, n’est-ce pas fatal que tu la sois un jour ?… Je t’aime, je t’aime, Pauline…. C’était, dans la paix de l’hiver, au fond de ce trou perdu de Bonneville, comme un réveil de ses anciennes relations de Paris, de ses lectures, de ses discussions entre camarades d’École. monsieur, s’écria Véronique, est-ce que Mademoiselle songe à introduire toute cette pouillerie ici ?… C’est une riche idée, si vous voulez trouver des bêtes dans votre soupe. — Oui, répondit sa femme, je l’ai vu, nous avons causé. Quand il était seul, il reprenait le gant, le respirait, le baisait, croyait encore qu’il la tenait à pleins bras, la bouche enfoncée dans sa nuque. — J’espère bien que Madame ne la mettrait pas à la porte. Puis, elle s’égara, elle se demanda si ce n’était pas la jeune fille elle-même qui avait écrit à son subrogé-tuteur, dans une idée de vengeance. Rien du tout. Peut-être se réfugierait-elle chez le docteur Cazenove, cela ferait un scandale horrible dans le pays. Il confessait son impuissance à peu près complète, dans le cas qui se présentait. cela retentissait à grands coups dans son être. Deux minutes s’écoulèrent, interminables, dans cette sensation mutuelle qu’ils s’entêtaient l’un et l’autre, à peine séparés par le bois mince, ardents, secoués de cet ébranlement du désir qu’ils ne pouvaient apaiser. Elle alluma un fagot, monta le tournebroche pour le canard, surveilla le rôti d’un œil expérimenté. Lorsque Véronique, effarée, à demi vêtue, entra chez Mademoiselle, elle le trouva jurant et se débattant au milieu de la chambre. Cette fois, il tenait son chef-d’œuvre, il en était sûr. Lazare, à Paris, s’était retrouvé avec un de ses anciens camarades de Caen, le gros Boutigny, qui avait quitté le latin en quatrième, et qui maintenant plaçait des vins. Mathieu seul les suivait, vite fatigué, traînant ses grosses pattes et se couchant là-bas, la langue pendante, avec une respiration courte et pressée de soufflet de forge. Elle était bien, pourquoi la dérangeait-on ? C’est pourquoi Louise, très douillette, frappée du pressentiment qu’elle mourrait en couches, s’était décidée à se mettre entre ses mains. Des insomnies le prenaient, il était sans résignation, devant la nécessité fatale qui se déroulait en images lugubres. Les galets blessaient ses petits pieds, elle ne quittait jamais son ombrelle, gantée jusqu’aux coudes, avec la continuelle peur de livrer au soleil un coin de sa peau délicate. Une colère contenue emporta le jeune homme. — Peut-être bien que le vent les a chavirées dans un fossé, murmura Chanteau. À onze heures, la maison était retombée dans son grand silence. Véronique restait la bouche béante. Elle les aurait préférés coupables, la trahissant dans les coins ; tandis que ces précautions d’honnêteté, ces compensations de caresses, qui lui disaient tout, la laissaient désarmée, ne trouvant ni la volonté ni l’énergie de reconquérir son bien. — Asseyez-vous, asseyez-vous, répétait Chanteau. — Oui, ma chérie, ce serait que toi-même tu prêtasses les trente mille francs à ton cousin… Jamais tu n’aurais fait un placement si avantageux, ton argent te rapporterait peut-être le vingt-cinq pour cent, car ton cousin t’associerait à ses bénéfices ; et cela me fend le cœur de voir toute cette fortune aller dans la poche d’un autre… Seulement, je ne veux pas que tu hasardes tes sous. S’il n’y avait plus moyen de ronronner en paix, cela devenait impossible ! Par hasard, il avait fait la connaissance de l’illustre Herbelin, dont les découvertes révolutionnaient alors la science, et il était entré dans son laboratoire comme préparateur, sans pourtant avouer qu’il lâchait la médecine. Elle arrivait à rire plus haut qu’eux, de ce beau rire sonore qui sonnait la santé et le courage de la vie, avec des notes limpides de clairon. Mais, lorsque le dessert parut, un fromage de Pont-l’Evêque et des biscuits, la grande joie fut une brusque apparition de Mathieu. Une paix morte retomba sur la petite maison de Bonneville, les jours uniformes se déroulèrent, ramenant les habitudes quotidiennes, en face du rythme éternel de l’océan. Le matin, elle était entrée embrasser sa tante, et elle lui avait trouvé une bonne figure : on ne pouvait mourir avec des joues pareilles. Il n’avait pas faim, il allait pourtant prendre un peu de veau froid, histoire plutôt de se distraire. L’émotion était si grande, que personne ne s’était inquiété du sexe. elle avait elle-même aidé à collationner ces comptes, que sa tante avait écrits de son anglaise la plus déliée. Chacun doit porter sa croix… Nous sommes tous dans la main de Dieu…. S’il l’aimait réellement assez pour refuser d’être à une autre ! V oici des textes que j'ai aimés et qui me semblent pouvoir parler aux hommes et femmes à travers le temps et l'espace. Sans doute, elle aussi venait de sentir passer la mort, car elle parut comprendre, elle se jeta contre lui, dans un abandon de femme qui demande du secours. Elle le regardait, très touchée. Mets-toi à genoux devant elle, prends-la gentiment sur ton cœur… Allons, allons, mieux que ça ! On ne pouvait voir la mer, de cet angle de la route. il n’y avait que la politique, son plan désormais était bien arrêté : il connaissait un peu le député de Caen, il le suivrait à Paris comme secrétaire, et là, en quelques mois, il ferait son chemin. — Es-tu sotte ! Cependant, Pauline restait la mère de son petit monde, soignait Chanteau qui allait mal, était obligée de suppléer Véronique dont la propreté se gâtait, sans compter Lazare et Louise qu’elle feignait de traiter en gamins turbulents pour pouvoir sourire de leurs escapades. Des voisins, attirés par la fumée, accouraient. Très rouge, elle semblait brûler d’une fièvre intense. Des larmes roulèrent sur les joues de la petite fille. Justement, le matin, elle s’était éveillée ensanglantée du flux perdu de sa fécondité ; et, à ce moment même, après les émotions de cette terrible nuit, elle le sentait couler sous elle, ainsi qu’une eau inutile. Aussi, lorsque le médecin parla d’un séjour dans un pays de montagnes, fut-il soulagé de la conduire chez sa belle-sœur et de s’échapper pour quinze jours, sous le prétexte d’aller voir son père à Bonneville. La pièce était pleine des souvenirs d’autrefois : des algues sèches traînaient, le modèle des épis encombrait le piano, la table débordait de livres de science et de morceaux de musique. Tout d’un coup, vers neuf heures, comme on venait de servir le thé, Pauline s’écria : En effet, Mathieu, chancelant sur ses pattes, sanglant et amaigri, se glissait dans la salle à manger. Enfin, la convalescence commença par de grands sommeils. où était-ce maintenant ? Enfin, d’une pièce lointaine de carottes, une femme coiffée d’un mouchoir sortit, regarda un instant, puis galopa dans les terres labourées, d’un galop furieux, à ce casser les jambes. Et ce n’était pas chez elle le triomphe jaloux de le voir s’humilier, elle songeait à lui seulement, au point de vouloir lui rendre sa parole, s’il ne l’aimait plus. — Il n’y a plus que la tête, dit le docteur dont la voix tremblait. Sa jolie figure de gamine vicieuse riait sournoisement aux détails qu’elle devinait. Il sortit sur le palier, la maison était noire et silencieuse, pas un souffle ne venait de la chambre de Pauline.
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Sujet De Conversation En Soirée,
Lettre De Relance En Anglais,
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